L’économie, c’est la transformation de l’énergie... [1]
Madagascar, un pays en panne d’énergie, un avenir en suspens
À Madagascar, allumer une ampoule relève du luxe. Dans un pays où 64 % des habitants vivent encore dans l’obscurité, où l’électricité coûte plus cher qu’en Europe mais reste inaccessible pour une majorité, le développement économique est condamné à l’immobilisme. L’énergie, cet élément fondamental de toute transformation industrielle, est ici un facteur limitant.
36 %. C’est le taux d’accès à l’électricité à Madagascar en 2022, un chiffre bien en deçà de la moyenne africaine de 48,4 %. En zone rurale, c’est pire : 85 % des foyers sont laissés pour compte, sans aucun espoir de branchement au réseau national.
Dans ces conditions, comment s’étonner que Madagascar continue d’exporter sa richesse sous forme brute, sans la moindre valeur ajoutée ?
Une économie paralysée par une énergie hors de prix
Le constat est accablant. Avec un besoin annuel en électricité estimé à 13,77 TWh, le pays ne produit que 1,47 TWh, soit à peine 10 % de sa consommation nécessaire. Loin des promesses d’industrialisation, Madagascar se retrouve dans une situation paradoxale : une énergie hors de prix, mais indisponible.
2 946 ariary (0,74€) par kWh : c’est ce que coûte la production d’électricité dans certaines centrales thermiques de la JIRAMA. Pourtant, l’entreprise publique la revend à 372 ariary (0,09€), creusant chaque jour un déficit abyssal. La dette cumulée de la JIRAMA a ainsi atteint 625 millions USD en 2023.
La facture du fioul, elle, ne cesse d’augmenter : 227 millions USD par an sont engloutis pour alimenter 196 groupes électrogènes loués à prix d’or auprès de fournisseurs privés. Une solution d’urgence qui dure depuis des décennies. Résultat ? Un gouffre financier et une dépendance totale aux hydrocarbures importés, alors même que le pays regorge de ressources renouvelables sous-exploitées.
Une production insuffisante face à une demande croissante
Madagascar compte aujourd’hui 30 millions d’habitants, dont la plupart consomment une quantité d’énergie dérisoire : 312 kWh par an en zone rurale et 732 kWh en zone urbaine. À titre de comparaison, un ménage français moyen consomme environ 4 500 kWh par an.
L’offre ne suit pas. Les infrastructures sont vétustes, les réseaux sous-dimensionnés, et le rationnement de l’électricité est devenu la norme. Pour les entreprises, les délestages répétés sont un calvaire : usines à l’arrêt, production interrompue, pertes financières. À quoi bon investir dans un pays où le courant disparaît à la moindre pluie ?
L’hydroélectricité : un potentiel inexploité
Et pourtant, Madagascar n’est pas condamné à cette crise énergétique. L’île possède un atout majeur : l’hydroélectricité. Aujourd’hui, elle représente 47,6 % de la production nationale, soit 700 GWh par an. Mais ce chiffre est dérisoire comparé au potentiel réel du pays.
- 403 sites hydroélectriques ont été recensés, dont 134 sites sélectionnés sur la côte Est pour l’électrification rurale.
- La capacité des sites varie entre 1 MW et 20+ MW, ce qui pourrait doubler, voire tripler la production actuelle.
Pourquoi ces projets restent-ils à l’état d’ébauche ? Manque d’investissements, bureaucratie et mauvaise gouvernance. Pendant ce temps, Madagascar continue de brûler du fioul, plombant sa balance commerciale et pénalisant toute ambition de croissance économique.
Un budget énergie qui plombe le pays
Les hydrocarbures sont le talon d’Achille du système énergétique malgache. En 2023, le pays a consommé 330 703 m³ de fuel lourd, et ce chiffre grimpe encore avec 1,23 million de m³ de produits pétroliers prévus pour 2024.
Les conséquences sont multiples :
- Un coût annuel exorbitant (227 millions USD) qui grève les finances publiques.
- Une dépendance aux fluctuations des prix du pétrole, qui met en péril l’équilibre économique du pays.
- Un impact environnemental désastreux, alors que des solutions vertes sont à portée de main.
Vers un modèle plus durable ?
L’État malgache s’est fixé un objectif ambitieux : 21 millions de connexions électriques d’ici 2030. Mais à quel prix ? Le Plan Énergétique Intégré (PEI) prévoit 7,03 milliards USD d’investissements, un chantier colossal.
Plusieurs solutions sont sur la table :
- Mini-réseaux solaires hybrides, associant énergie solaire et groupes électrogènes.
- Systèmes photovoltaïques individuels pour électrifier les zones les plus reculées.
- Renforcement du réseau hydroélectrique, avec la construction de barrages de petite et moyenne taille.
Mais sans une refonte en profondeur du modèle économique de la JIRAMA, ces projets risquent de rester de simples annonces.
Un tournant décisif pour Madagascar
L’île est à la croisée des chemins. L’électrification du pays ne pourra se faire sans une gestion plus efficace, sans investissements ciblés, et sans une réduction drastique de la dépendance aux hydrocarbures.
Or, aujourd’hui, 30 à 35 % de l’électricité produite est perdue avant d’atteindre les consommateurs. Un gaspillage monumental, dû à un réseau vieillissant et aux fraudes massives.
La clé du redressement : le secteur privé
L’exemple des pays émergents est clair : sans entreprises privées, pas de développement durable.
Prenez la Malaisie. Dans les années 1970, ce pays était encore une économie agricole. Aujourd’hui, il est l’un des cinq plus grands exportateurs mondiaux de semi-conducteurs, avec un secteur technologique pesant 372 milliards USD en 2022. Petronas, géant pétrolier malaisien, représente 20 % des recettes de l’État, tandis que Top Glove, leader mondial des gants médicaux, génère 2,3 milliards USD de chiffre d’affaires.
Ou encore le Rwanda, souvent cité comme modèle en Afrique. En 1994, il était en ruines. Trente ans plus tard, il affiche une croissance annuelle de 7 %, portée par un secteur privé florissant. MTN Rwanda, opérateur télécom, engrange 400 millions USD de revenus en 2023, et l’industrie du café et du thé représente 15 % des exportations nationales.
Même schéma en Côte d’Ivoire, où le secteur privé représente 80 % de l’investissement total. Des géants comme Nestlé, Cargill et Olam ont massivement investi dans la transformation locale du cacao, générant des dizaines de milliers d’emplois et augmentant de 20 % la production de chocolat en cinq ans.
Madagascar doit en tirer les leçons.
Conclusion : un choix crucial
Tant que la JIRAMA restera un gouffre financier, tant qu’elle coûtera plus qu’elle ne rapporte, elle freinera l’industrialisation du pays. Mais confiée à des investisseurs privés, restructurée avec une vision claire, elle pourrait devenir le levier du développement national, en fournissant l’énergie nécessaire à un tissu industriel compétitif.
Les États peuvent orienter, structurer, impulser, mais ce sont les investisseurs, les entrepreneurs, les industriels qui font tourner la machine.
L’Asie l’a compris, une partie de l’Afrique aussi. Madagascar doit s’en inspirer.
Rédaction - Diapason
-----
Vos commentaires
Il faudrait donner ce secteur à Bouygues pour un prompt développement.
Merci pour cet article très instructif.
Si Jirama vend moins cher que son coût de production, c’est parce que ce n’est pas une entreprise, pas une institution à but lucratif. Même l’EEM de jadis ne pouvait pas être considérée comme une entreprise.
Et faire du secteur privé la seule solution envisageable, c’est ignorer complètement ce qu’est un état, une société.
Et rappeler Gendarme (1962-1963), c’est de l’exotisme. J’aurais choisi un Samir Amin.
L’ENERGIE est une activité stratégique de tout État.
Un bijou de famille dont on ne peut se.défaire à risque de ne plus maîtriser le fonctionnrment même du pays.
A la limite des concessions partielles ou locales sont possibles , mais ficelées par des contrats très contraignants.
La JIRAMA est une SAGA DE DESTRUCTION MASSIVE PAR L’ETAT depuis des années,
en tant que VACHE A LAIT des gouvernements successifs corrompus..
Vache à lait .comme toutes entreprises nationales. ( ex airmad et le chemin de fer )
A coup d’ingérence permanente du gouvernement , de recrutement par népotisme, de détournements de fond (interne et externe) , factures impayées par toutes les institutions ,( de la predidence à la moindre mairie...)
ET CELA DEPUIS TOUJOURS
LES FOZAS AGISSENT COMME DES FOSSOYEURS....
ET CRIENT AU LOUP...
CEPAMAFOTE
– pour tenter de se refaire une virginité. !!!!!