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Editorial

L’horloge et les parieurs…

mercredi 10 juin 2015 | Lalatiana Pitchboule

La dernière mission du FMI conclut sur une révision à la baisse des prévisions de croissance de Madagascar qui, après avoir connu un taux de 3% en 2014, était initialement envisagée à 5%. Avec un taux d’accroissement démographique de l’ordre de 3%, on va donc mathématiquement vers une aggravation de la pauvreté. À l’horizon 2030 (soit dans 15 ans, soit dans 3 mandatures) la population malagasy sera de 36 millions, à 2050 elle sera de 55 millions… Où donc en sera-t-on ?

Ces chiffres sont là pour rappeler à certains qu’on est dans l’URGENCE et que ce qui nous parait déjà dramatique aujourd’hui sera tragique dans peu de temps… C’est une véritable catastrophe humanitaire que l’on nous dessine faute de réaction… Ces chiffres sont là pour rappeler à ceux là qui ont, parait il, en charge la chose publique, leur éminente responsabilité pour demain… Et quand on sait qu’il faut au moins 20 ans pour qu’un processus de gouvernance et de stabilisation correctement initialisé porte ses fruits, on peut craindre le pire…

De fait, quand a énoncé encore une fois que ce dont le pays à jusque là le plus souffert et qui a tué sa capacité de développement, c’est avant tout son instabilité politique et ces crises à répétition toujours plus violentes et toujours plus rapprochées, on se demande bien à quoi pensent ceux, des deux bords, qui se lancent dans une nouvelle séquence d’affrontement politique. Peut-être ont-ils perdu leur montre. Il leur faudrait une grande souscription pour leur offrir, à défaut de 4x4, une horloge qui leur permette de retrouver le sens du temps et de la durée… Insupportable légèreté…

La raison de la crise de 2009 (et des précédentes) est profondément là : la terreur que certains éprouvaient d’un pouvoir omnipotent capable de faire voter en sa faveur les populations, obérait chez eux toute capacité à s’entendre et négocier. On aurait pu rêver les voir bâtir un front d’opposition suffisamment cohérent capable d’affronter des élections démocratiques… Il aurait fallu, pour qu’ils y parviennent, monter une équipe et négocier sur le long terme et sur la base d’un programme et de valeurs… non… faut pas rêver… plutôt que de construire et de réfléchir et éduquer, il est plus simple de traficoter de petites alliances fugitives vite trahies… ça donne moins à réfléchir… c’est moins couteux…

La politique est décidemment un milieu pathogène, semble-t-il, particulièrement périlleux sur le plan de la santé mentale. On semble bien mal loti entre le syndrome d’hubris qui touche certains dirigeants (paranoïa, messianisme, mégalomanie,… ) et ce curieux syndrome d’Alzheimer qui frappe d’amnésie et de désorientation chronique (perte de la notion de temps et d’espace) des « représentants du peuple », incapables de garder en mémoire les dramatiques errements du passé.

NO PAST, NO FUTURE … Incapables de bâtir un projet commun qui ne se limite pas à un coup de force faute de courage, faute de capacité de vision, faute d’intelligence… « Tentons le passage en force et réfléchissons après » est le modèle de référence… Mais il ne faut surtout pas réfléchir avant… sauf sur les moyens les plus efficaces de mettre à bas tout ce qui pourrait constituer le moindre socle de stabilisation… C’est réellement à se demander si des forces ne sont pas là qui auraient intrinsèquement intérêt à entretenir systématiquement une instabilité propice à tous les trafics, toutes les magouilles, toutes les compromissions… et font feu de tout bois (de rose, bien évidemment)…

Insupportables parieurs… Et encore, on a affaire ici à de bien mauvais parieurs, atteints du syndrome du tilt : incapables de patience, incapables de contrôler ou de canaliser leurs pulsions… capables de faire n’importe quoi et de miser très gros sur un pronostic fallacieux qui va les mener (eux et le pays) droit à la banqueroute. Ils vont préférer parier sur le court terme au lieu de gérer collectivement l’incertitude [1] et de bâtir. Mais la grosse mise immédiate qu’ils mettent aujourd’hui à acheter des voix, toujours plus chères, ne pouvait elle pas servir à financer des campagnes d’éducation politique et d’action de terrain au bénéfice des populations ?… Moi on me donnerait le 100ème de ce qu’ils dépensent c’est ce que je ferais…

Gouverner c’est parait-il prévoir… Prévoir c’est voir devant… c’est affirmer sa capacité à envisager vers l’avant la toujours plus décisive dimension temporelle… Ce ne peut pas être, « je défends mes intérêts aujourd’hui… Demain est un autre jour au cours duquel, selon, je m’occuperai probablement de moi, et éventuellement de l’intérêt de ceux que je suis censé représenter ».

L’exercice du pouvoir ne peut pas être « Je prends les décisions en fonction de mes seuls enjeux et de mes seules ambitions… Et il peut advenir que je prenne une décision, miraculeusement ou sur un éclair de génie, qui serve à la fois mon intérêt politique et mon image ET l’intérêt public »… Mais cela tient, on l’a dit, ou du miracle ou de l’éclair de génie… Je ne crois personnellement ni au génie, ni au miracle…

Quand on prend conscience de ce qui attend le pays à l’horizon 2030-2050, de son évolution démographique, du besoin de création de richesse qui doit être supérieur à cette évolution démographique pour espérer sortir de ce cycle infernal de la misère, de l’explosion probable d’une criminalisation des couches les plus défavorisées au sein d’une urbanisation anarchique toujours plus génératrice de pauvreté et de violence, on ne peut qu’être abasourdi de l’incurie de ceux là qui ne paraissent préoccupés que par leur propre sécurité immédiate … A-t- on jamais posé, dans ces « honorables » assemblées, le débat en termes d’urgence quant au caractère explosif de la situation du pays. Ou faut il qu’on aille leur arracher les (… bref …) pour qu’ils comprennent qu’ils sont allés trop loin ?

Est-ce parce qu’ils ne croient pas eux-mêmes dans leur propre capacité à gérer le futur sombre qui se dessine qu’ils démissionnent aujourd’hui et qu’ils ne se préoccupent que de leur présent et de leur survie et intérêts immédiats ? Ils seraient, dans ce cas là, dans une profonde et criminelle escroquerie et n’auraient désormais plus aucune légitimité vis-à-vis de ceux qu’ils prétendent diriger et guider.

On a besoin de courage (je n’ose pas dire abnégation ou même honnêteté) chez nos hommes politiques… Que ceux qui ne se reconnaissent pas dans ces qualités, le disent… et s’en aillent… Ce serait pour une fois faire preuve de courage politique que de dire : « Je ne sais pas faire, je ne peux pas faire, je me suis trompé… Je ne veux pas vous tromper… Je me rétracte »

Mais, dans l’absolu, l‘inconséquence et l’incurie des uns n’est pas moins insupportable que la malhonnêteté des autres. L’inconséquent passif non agissant qui ne « taperait pas dans la caisse », n’est pas moins nuisible (s’il est moins criminel) que le corrompu… Même si sa passivité constitue en soi une forme de spoliation du bien public.

On peut toutefois tenter de voir, dans tout ce fatras, une lueur d’espoir… Si les motivations des uns et des autres de ces protagonistes nous paraissent largement douteuses, cette crise peut avoir l’avantage de fixer les limites de chaque partie… L’affrontement actuel, s’il ne se conclut pas par la violence, aura peut-être posé les bornes que le pouvoir exécutif et la chambre basse devront désormais s’interdire mutuellement de dépasser… sous le regard des PTF et de la communauté internationale.

On aura alors peut être atteint ici les deuxième et troisième conditionnalités au passage à la démocratie selon le modèle de Dankart Rustow [2] qui m’est cher [3]. Le modèle décrit en particulier, comme « seconde pré-condition (pour le passage à la démocratie), l’existence d’une crise politique prolongée et insoluble qui voit s’ouvrir une fenêtre d’opportunité à la démocratisation quand un constat absolu d’impasse au conflit est établi. … La troisième phase est une phase de « Décision » qui émerge quand les acteurs, constatant l’impasse du conflit après avoir épuisé toutes les solutions, sont contraints de NÉGOCIER un compromis et des règles démocratiques ».

Mais bon, ce serait faire preuve, comme moi, d’un indécrottable optimisme… Mais que nous resterait il sinon ?… Ah si… On peut se battre… et ne pas renoncer, encore et toujours…

Si on veut que vive Madagascar…

Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule )
09 Juin 2015

Notes

[1Thème cher à l’écologie politique

[2« Transition to democracy : toward a dynamic model ». Dankwart A. Rustow (document accessible en ligne sur : http://polisci.osu.edu/faculty/mcooper/ps744readings/rustow.pdf)

10 commentaires

Vos commentaires

  • 10 juin 2015 à 11:07 | racynt (#1557)

    Ne vous inquiétez pas trop lalatiana, il y en a déjà un qui se charge de diminuer la population mondialehttp://stopmensonges.com/bill-gates-veut-reduire-la-population-mondiale-grace-aux-vaccins/ et ne s’en cache même plus. Et tandis que la banque mondiale et FMI n’arrive pas à stopper la pauvreté avec les intérêts faramineux http://app.letemps.ch/Page/Uuid/ca02cc20-f3cb-11e4-bb1f-074820583190/La_Gr%C3%A8ce_a_rembours%C3%A9_200millions_deuros_dint%C3%A9r%C3%AAts_au_FMI dont on se demande si le but n’est pas plus d’appauvrir le peuple que de l’aider quand on voit le rapport d’oxfamhttps://mrmondialisation.org/rapport-oxfam-quand-la-banque-mondiale-vole-les-peuples/ .

    Il faut dire que les superpuissance et les oligarques préfèrent investir dans des projets plus ambitieux des transhumanistes http://2045.com/ que de réduire la pauvreté dans le monde .

    • 11 juin 2015 à 20:46 | Gérard (#7761) répond à racynt

      les énormes écarts de niveau de vie font qu’un petit nombre dispose à la fois du pouvoir, de l’éducation et d’un niveau de vie « européen »
      la déliquescence de l’état depuis 1975 qui appauvrit l’ensemble du pays contraint cette classe sociale a s’expatrier ou a s’orienter vers des activités de moins en moins licite pour conserver son niveau de vie
      la corruption croissante issue de cette déliquescence autorisant l’accélération du processus
      dans ce cadre toute tentative de promouvoir un minimum d’ordre devient rapidement inacceptable pour ces ’« opérateurs » habitués à une totale liberté achetée au bon prix
      restaurer un semblant d’autorité de l’état sera de plus en plus utopique cf 2009 et 2015

  • 10 juin 2015 à 12:13 | Daniel (#8947)

    La population malgache etait de 5.100.000 en 1960 et d’environ 21 en 2014. Le taux de progression n’est donc pas de 3 % mais de 2,5 %. C’est un taux relativement bas malgre la pauvrete existante a Mada, pauvrete qui normalement rime avec taux de croissance eleve. Il est explique par le taux TRES ELEVE de mortalite infantile.

    Plus les gens sont pauvres, plus ils font des enfants, plus ils sont riches, moins ils en font. C’est pour cela que Bill Gates veux generaliser la vaccination qui amenara un mieux dans le developpement humain et une forme d’enrichissement entrainant ipso facto une reduction du nombre d’enfants...
    Nous frisons deja 10 milliards d’habitants sur cette terre, c’est beaucoup trop. Seul un developpement economique de tous les pays permettra de diminuer le nombre d’habitants.

    Mais on est loin du compte a Mada et le decollage economique n’est pas pour demain. Ca dure depuis 1960... On ne fait que descendre !

  • 10 juin 2015 à 15:53 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    C’est quoi cette histoire à dormir debout comme quoi un developpement
    économique permettra de diminuer le nombre d’habitants ???

    • 11 juin 2015 à 19:48 | takaka (#8449) répond à Rakotoasitera Fidy

      I agree.
      Tsy dia misy hifandraisany.
      C’est du domaine de l’anthropologie.

  • 10 juin 2015 à 19:30 | reglisse (#6117)

    Madagascar recherche un chef, sans casseroles, lol, qui soit honnête, intelligent, courageux, ingénieux, capable de reconstruire un pays en ruine, et qui n’a pas peur de la politique, doué d’un bon sens de la communication, tolérant et rigoureux, non sectaire et non raciste etc...

    Ou trouver cette perle rare ?

    Qui à Madagascar aujourd’hui ou demain dans un avenir proche osera affronter son destin pour servir son pays ???

    • 11 juin 2015 à 13:13 | olivier (#7062) répond à reglisse

      Vous devriez essayer : leboncoin.fr

      ou alors, disneymagic.com

      courage !

  • 11 juin 2015 à 17:00 | kakilay (#2022)

    « l’existence d’une crise politique prolongée et insoluble qui voit s’ouvrir une fenêtre d’opportunité à la démocratisation quand un constat absolu d’impasse au conflit est établi. … La troisième phase est une phase de « Décision » qui émerge quand les acteurs, constatant l’impasse du conflit après avoir épuisé toutes les solutions, sont contraints de NÉGOCIER un compromis et des règles démocratiques ». »un constat absolu d’impasse au conflit est établi".

    Reconnaissance des acteurs, d’abord, qu’on ne peut plus continuer ainsi. Ce système, ou cet environnement politique n’a plus rien à voir avec la démocratie. Vouloir s’ingénier à faire du juridisme quand c’est la loi de l’argent qui règne, c’est encore vouloir s’illusionner que « nous sommes en démocratie ». La valse des mallettes des deux bords, conduit à une situation où c’est celui qui arrivera à trouver celui qui sera prêt à payer le prix le plus fort, qui l’emportera.

    Quoi est ce « l » apostrophe ?

    Madagascar, ou le semblant de démocratie qui servira son intérêt ou leur intérêt ? En tout cas mettre une fois pour toute une croix sur la Démocratie. Cela a un nom.

    Arrêter donc de se raconter des histoires : Madagascar est à vendre au plus offrant. Il faut Privatiser la Démocratie. Que le Peuple y trouve son compte : que demande le Peuple ?

    A cela doit correspondre une certaine vision de ce qu’est l’Homme en général, et du Malagasy en particulier. L’Homme est un être pour la bouffe. Point. Jusqu’à quand ? On verra plus tard.

    Une fois cela admis, pourquoi penser au politique ? Il n’y a plus rien à dire, « ils », les fournisseurs de mallette n’ont plus qu’à « jouir ». Retour sur Machiavel : Le Prince, Les Grands et Le Peuple. Ils n’y a plus que des jouisseurs.

    Pourquoi « il », Machiavel je veux dire, parle-t-il alors d’Humeur ?

    « La troisième phase est une phase de « Décision » qui émerge quand les acteurs... »

    HCC, Assemblée, Présidence... On attend le verdict de la HCC. De la foutaise ! La valse des mallettes se serait arrêtée tout d’un coup ? Ou tout le monde fait semblant d’y croire, comme on a tous fait semblant de croire que l’élection présidentielle apportera la stabilité. Et on continue à discuter sur la légalité et la légitimité, pendant que l’Autre président, rembourse ses dettes en vendant tout ce qu’il peut vendre, prélève ses 10% sur toutes les transactions faites au nom du Peuple, en espérant qu’il deviendra plus riches que ses sponsors, un jour : et s’en passer.

    Ou bien le président de la HCC et consorts sont insensibles à l’appel de la sirène « mallette » et se place au dessus de la mêlée. Bingo alors : on a trouvé le Prince Arbitre. Ce qu’il fallait « émerger » !

    Et je m’attarde un peu plus sur le mot « émerger ». Que ce qui est n’est pas de l’ordre du déterminisme. Que la rationalité, la vieille, a ses limites. Que dire que « tout est rationnel » est une affirmation « irrationnelle » : selon toujours la vieille rationalité. Qu’il faudra au moins autre chose : Rodrigues as-tu du cœur ? Ce que l’auteur ose à peine murmurer : « On a besoin de courage (je n’ose pas dire abnégation ou même honnêteté). » Oui, courage vient du mot « coeur ». Pour parler de cet indéterminisme qui permet l’Espoir. Encore un fils de l’irrationalité. Je ne veux pas dire que tout est irrationnel. Ce ne serait pas rationnel. Non ! Qu’il y a des choses qui dépassent la rationalité bête et méchante. Que la rationalité est un chantier en construction, et qu’il faudra y aller aussi avec son cœur. Oui, la politique est l’espace où les alliances se font et se défont : elle est instable, ou plutôt en équilibre instable. Essayons de la rationaliser : d’où la démocratie et ses institutions comme ses élections. Essayer d’organiser l’ordre, à partir du chaos.

    "NÉGOCIER un compromis et des règles démocratiques ».

    Un consensus fort, Le RECOURS, sur un Prince, et sur le respect de l’ordre à établir...

    En tout cas pas sur un consensus mou
    sur un prince mou,
    ou des « représentants du peuple »
    ... à la dérive.

    Si tout est écrit,
    alors
    le suicide est la seule réponse logique...

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