
Mélangeant la lecture scénique à la danse et au chant, ce spectacle porte au-delà des pages la parole et la sensibilité d’Esther Nirina, décédée en Juin 2004, étant une figure emblématique de l’art littéraire Malgache, tout comme les Rabearivelo ou Rabemananjara. Les chorégraphies de Ravaka et Andry sont mis en valeur sous les conseils d’un connaisseur, en la personne d’Elie Rajaonarison.
Présentée au mois de mai dernier au Théâtre municipal d’Analakely, « Lente spirale », cette proposition artistique sera de nouveau montrée au public sur la scène du Ccac, ce vendredi 25 Juillet à 19h.
Faisant suite à diverses collaborations avec Elie Rajaonarison et ses étudiants de la filière Médiation Culturelle du Département d’études françaises de l’Université d’Antananarivo, tels, les lectures scéniques, dans le cadre du « Printemps des poètes » ou encore la « Francophonie », ce spectacle observe le temps qui traverse l’île et le temps qui transperce l’homme, reflété à travers les œuvres d’Esther Nirina.
L’œuvre d’Esther Nirina n’a pas encore trouvé la reconnaissance qu’elle mérite, elle est pourtant l’une des œuvres majeures de la littérature malgache en langue française, au même plan que les œuvres de Rabearivelo ou de Rabemananjara.
Esther Nirina publie son premier recueil « Silencieuse respiration » aux éditions Sergent (Orleans, 1975), suivi plus tard de « Simple voyelle », chez le même éditeur en 1980.
Une longue séparation avec l’île lui a permis de développer une voix singulière dans une poésie malgache jalouse de ses particularismes, la défense des formes traditionnelles comme le « hainteny » ou les thèmes récurrents de la terre sacrée ou du passé prestigieux...
Ouverte à d’autres cultures, fidèle lectrice de George Bataille, de René Char et de tant d’autres, Esther Nirina a su lier l’hermétisme et la concision de ces formes traditionnelles malgaches avec l’exigence d’une poésie avare de mots mais riche de sens, de rythme et de musique.
Cette grande femme de la littérature Malgache a vécu l’éloignement non comme un long exil douloureux mais paradoxalement comme un cheminement patient qui la ramenait à sa langue maternelle, car plus qu’un retour au pays natal, son retour à Madagascar s’apparente à un aboutissement poétique et philosophique à la langue de ses aïeux.
En 1990, en revenant dans l’île, elle deviendra très vite une figure importante de la scène littéraire malgache. Membre de l’Académie malgache, elle présidera pendant un moment la Société des écrivains de l’Océan Indien (SEROI).
Un nouveau souffle pour la poésie Malgache
La parution de son recueil « Lente spirale » aux Éditions Revue de l’Océan Indien (1990) est accueillie dans une stupeur respectueuse, tant le recueil renouvelle la poésie malgache empêtrée dans la crise de l’édition et des polémiques stériles autour de l’utilisation de la langue française.
Le recueil est fait dans la matière même de l’île : papier antemoro, impression en encre de couleur ocre, pour mieux rappeler la latérite de la terre malgache, ne craignant pas de fustiger la situation du pays, n’hésitant pas à dénoncer les puissants, tout en évitant le piège du scandale ou de l’indignation convenue.
Esther Nirina puise sa poésie dans la source des grands poètes et dans les voix incontestables des maîtres de la parole traditionnelle, voix s’élevant au-dessus de la mêlée, voix qu’on ne saurait qualifier de partisane, emplie de délicatesse et de sagesse dépassant la simple dénonciation du présent.
La quête poétique d’Esther Nirina trouve son aboutissement en 2004 dans la publication de « Mivolana an-tsoratra », son premier recueil en malagasy qui restera son dernier. Les événements de 2002 auront eu raison de sa force. Touchée dans sa chair par l’arrestation et la maltraitance d’un de ses proches, elle partira le 19 juin 2004.
Recueilli par Daddy Ramanankasina
(Sources : J- L Raharimanana)