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jeudi 6 novembre 2025
Antananarivo | 10h57
 

Editorial

Analyse du décret d’organisation de la présidence de la transition : le pouvoir qui veut durer

jeudi 6 novembre | Lalatiana Pitchboule |  316 visites  | 4 commentaires 

Certains décrets ne sont pas de simples textes administratifs ; ils sont de véritables radiographies politiques. Le décret n°2025-1135 du 31 octobre 2025, fixant l’organisation de la Présidence de la Refondation, est de ceux-là. Une première lecture interpelle par la projection des effectifs, avoisinant les 600 agents. On a ici une inflation qui pourrait sembler indécente mais qui révèle une mutation profonde : la transformation de la Présidence en un État dans l’État.

Une Présidence absorbante

Ce texte ne se contente pas de réorganiser : il refonde. Sous la mandature précédente, la Présidence se limitait à un cabinet d’une cinquantaine de collaborateurs et une dizaine de directions, pour un total d’à peine deux cents agents. Aujourd’hui, la structure est hypertrophiée : un Secrétariat général bureaucratique, quatre Hauts Conseillers de la Refondation dotés de leurs propres mini-cabinets, six Conseillers spéciaux, sept directions stratégiques rattachées directement au Chef de l’État, et un Conseil consultatif des “forces vives de la Nation”.

Nous ne sommes plus face à une Présidence, mais à un méta-gouvernement, un organe de commandement qui absorbe les fonctions dispersées de l’exécutif. La Primature est reléguée au rang de fusible administratif, tandis que la Présidence devient le centre de gravité absolu du pouvoir. Cette inflation n’est pas le fruit du hasard ou du népotisme. Elle est calculée, fonctionnelle et assumée.

Les quatre Hauts Conseillers de la Refondation en sont l’illustration. Ils ne sont pas des figures honorifiques mais les pilotes de quatre pôles stratégiques : socio-économique, ressources stratégiques, défense-sécurité, et relations internationales. Ces quatre colonnes forment le temple de la Refondation, un ordre permanent contrastant avec le caractère éphémère des ministères contraints par une évaluation de leurs resultats dans deux mois. Le Secrétariat général, avec ses directions dédiées (RH, finances, patrimoine, juridique, SI), marque la reprise en main de toutes les fonctions vitales de l’État. Les circuits de décision — budgets, nominations, contrôles — se referment autour du Palais, renforcés par une nouvelle Direction des Systèmes d’Information qui fait de la donnée une arme de gouvernement.

La Présidence-plateforme et la République de gestion

Émerge alors une “Présidence-plateforme” : une machine à gouverner et à surveiller, à la fois quartier général militaire, cellule administrative et agora consultative. C’est une structure hybride conçue pour absorber les tensions d’un pays fracturé, en canalisant les forces contraires. Le mot “Refondation” agit comme un mantra, neutralisant les clivages en promettant de les refaçonner. Le pouvoir ne s’exerce plus “au nom du peuple”, mais “pour la Refondation”, transformant la transition en un projet moral et le pouvoir en mission.

Derrière ce mot se cache un projet implicite : transformer la crise politique en une crise de gouvernance, puis en une vaste réforme administrative. L’objectif est de faire de la Présidence la matrice d’un ordre durable. Le Chef de l’État n’est plus un leader politique mais un chef d’opération ; la Présidence, un centre de commandement intégré. La légitimité est déplacée du champ politique vers celui de la compétence. On ne gère plus une vision, on gère une refondation.

Une structure à double fond

Cette stratégie est d’autant plus habile qu’elle s’appuie sur une dualité. À première vue, le gouvernement paraît fragile, composé de ministres jeunes et parfois improvisés. Mais derrière cette vitrine, l’appareil d’État est d’une cohérence glaciale. Ce décalage est la méthode : pendant que les civils apprennent, les structures militaires et administratives tiennent les leviers. Trois cercles de pouvoir se dessinent : un noyau militaire rationaliste autour du Président et des Hauts Conseillers ; un réseau technico-administratif qui garantit la cohérence interne ; et un cercle sociétal symbolique (Conseil Consultatif) qui donne un visage humain à cette machine froide.

Cette nouvelle Présidence signe le retour de l’État dans son sens le plus brut : centralisation, verticalité, hiérarchie. La transition militaire se présente comme une thérapie d’autorité après le chaos, une pédagogie de l’ordre. Le pouvoir est exercé par la technicité, l’administration par la rationalité, et la politique est neutralisée par la procédure. La Refondation devient une technocratie d’État en treillis.

L’ensemble fonctionne comme un État-major civil : un chef suprême, quatre colonnes de commandement (les Hauts Conseillers), des cellules de support (Secrétariat général), des unités opérationnelles et un cercle de consultation. Cette architecture dense et redondante vise la solidité plus que la souplesse, une forteresse administrative conçue pour durer.

Conclusion : l’État qui se refonderait en s’étendant

L’inflation des effectifs ne serait pas une dérive ; ce serait un symptôme. Celui d’une Présidence qui ne gouvernerait plus un État, mais qui le recomposerait autour d’elle. Ce qui se jouerait ici, ce ne serait pas une transition, mais une réécriture de la République : une tentative de refonder l’autorité par la structure, la confiance par la méthode, la légitimité par la compétence.

Derrière la confusion apparente, il y aurait sans doute une vision précise : reprendre la main sur l’appareil d’État, le reconstruire depuis le Palais. La Refondation ne serait peut-être pas un idéal ; ce serait un dispositif. Mais dans un pays saturé de crises, ce serait déjà une stratégie. Et Rawlings au Ghana n’avait pas fait moins.

Mais tout cela, bien sûr, n’est que conjecture pitchboulienne … En espérant toutefois qu’elle relève de la clairvoyance, et non encore d’un péché de mon incorrigible optimisme.

Ceci étant, cette analyse a un avantage. Elle apporte un éclairage à la question qui nous taraude depuis le 11 Octobre : a-t-on affaire à un pool d’officiers idéalistes (peut-être revanchards) nationalistes portés par un projet et une vision, ou sommes nous confrontés à un groupe de mercenaires opportunistes ?
L’avenir nous le dira.

Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule). 05/11/2025
Les Chroniques de Ragidro

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4 commentaires

Vos commentaires

  • 6 novembre à 08:04 | Vohitra (#7654)

    Merci Lalatiana, le questionnement du dernier paragraphe est tellement frappant et remue une conscience presque anesthésiée et tétanisée par tant de... rétropédalages, d’incohérences manifestes, et parfois, la direction vers une destination inconnue...

    Sommes-nous encore en train de revivre une autre version d’une « capture de l’Etat » mais maquillée par des produits fait-maison et estampillée du nom de « refondation » et vendus par le « marketing mpiandry » ?

    Après les politiciens civils voraces de la famille des sauriens et du genre malfrats et truands, et de l’embranchement des bandits, est-ce-qu’on est en train de vivre la découverte d’une nouvelle espèce « omnivore, zébrée, résistante et guidée par ses bras aventuriers, et agissante en meute » ?

    Oui, espèrons qu’on se trompe...

    Oui, espèrons que les brouillards nous empêchent d’y voir clair...

    Mais des signes avant couvreur sont déjà perceptibles...

    Répondre

  • 6 novembre à 09:14 | canal baobab 13 (#11848)

    Dans l hostel Strasbourgois dont je m en fais dans moins d1 heure bref hier soir tard en mangeant mon bref j ai allumé la télé bref j ai zappé et zai vu ou bref yaourt ou crème à la vanille de Madagascar bref je serai Ravalomana je serai fou car je vois pourquoi je suis à Strasbourg soit lutter
    des spoileurs dans mon propre pais, l Auvergne bref il faut alerter la justice internationale les justices capables de faire cesser certaines pratiques ..d affranchis du bon temps des colonies sous...vichy
    Les vichytes étaient d abord (avant la défaite nazi à stalingrad 43) des affairistes avec les américains..pas la crème bref faut appeler la cavalerie...républiquaine...
    Et pas mepriser la LimouZine hihihi

    Répondre

  • 6 novembre à 10:31 | Isambilo (#4541)

    C’est ce que je pense être le régime présidentiel. C’est le chef d’état qui décide de tout avec ses proches.
    Le gouvernement ne fait quéxécuter.
    Ce n’est pas loin de la structure des royaumes avant la colonisation.
    Avec une grade nuance : le mpanjaka est légitimé par son hasina hérité de Zanahary. Mais le président, ici, est léfitimé par le rapport des forces.

    Répondre

    • 6 novembre à 10:57 | Vohitra (#7654) répond à Isambilo

      Bonjour Isambilo,

      Une certaine ressemblance avec la structure née le 15 juin 1975...

      Il y avait à l’époque le Conseil Suprême de la Révolution ou CSR, et le Chef d’État était à la fois le président du CSR...Le Capitaine de Frégate Ratsiraka Didier Ignace...

      Un pouvoir largement dominé par les militaires à l’époque...

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