Dès la conquête de la Place du 13 mai, beaucoup de politiciens ont tenté, à tort ou à raison, de se poser en faiseurs de roi. Il suffisait d’observer leur manège pour se faire prendre en photo devant l’Hôtel de ville au soir de la conquête de la Place du 13 mai, et d’être ostensiblement présent sur le podium les jours suivants. Leur expérience du jeu politique et leur connaissance des arcanes de la vie politique malgache sont déjà en train d’éclipser peu à peu la Gen Z.
Il est toutefois important de reconnaître cinq interventions majeures, ce qui signifie qu’aucune d’entre elles ne peut prétendre avoir réussi seule. Un, Andry Rajoelina n’aurait jamais été renversé sans le colonel Mickael Randrianirina et le Capsat qui ont mis fin aux exactions et protégé notre jeunesse contre la bestialité des forces de l’ordre à la solde de Rajoelina. Deux, il n’y aurait pas eu d’exactions sans manifestations de forte envergure. Trois, il n’y aurait pas eu de manifestations sans la mobilisation Gen Z. Quatre, il n’aurait pas eu un réveil de la Gen Z sans le coup d’éclat de Babà Rakotoarisoa, Clémence Raharinirina et Lily Rafaralahy. Cinq, le mouvement des députés qui a voté la destitution d’Andry Rajoelina a donné la clé juridique pour éviter le coup d’État. Telles sont les rivières visibles ayant grossi le fleuve qui a fini par emporter l’ancien président.
La question des délestages n’a cependant été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des frustrations, alimentées depuis plusieurs années par de nombreuses sources : croissance de la pauvreté, fraudes électorales, corruption, ou encore l’arrogance par les mots et les actes du clan au pouvoir reflétée dans la propension au werawera, et à l’impunité des copains et des coquins. Au fil des ans, ces sujets ont accumulé de la colère, et de nombreux citoyens ont eu le courage de manifester publiquement leur indignation, ou à défaut, ont agi en coulisses pour contribuer à la délégitimation du régime Rajoelina. Il y a donc eu de multiples ruisseaux qui ont alimenté les rivières, qui elles-mêmes ont alimenté le fleuve. Il est donc juste de les rappeler dans une perspective historique et un souci de justice.
L’Histoire retiendra des noms, et en oubliera d’autres. Le temps révélera également un jour la vérité de ce mouvement historique qui fait tomber un pouvoir en un peu plus de trois semaines. En effet, l’expérience montre que les révélations, glorieuses ou sordides sur les dessous des révolutions présentées comme triomphantes, finissent par apparaitre quand le vent tourne. On saura peut-être un jour quels ont été les véritables chefs d’orchestre qui ont mis en œuvre la partition pour orienter les ruisseaux visibles et souterrains vers les rivières, et les rivières vers le fleuve.
Les « prescripteurs d’opinion ». Depuis des années, de nombreux prescripteurs d’opinion [1] ont représenté la voix des sans voix pour mettre en exergue les erreurs, défaillances et dérapages du pouvoir en place. À l’heure des réseaux sociaux, la facilité de partager des documents, photos et vidéos a démultiplié l’effet de la délégitimation. On citera en premier lieu l’émission de radio Miara-Manonja, animée par des animateurs de choc sous la houlette des députés Fidèle Razara-Pierre et Hanitra Razafimanantsoa. La capacité de percussion de cette émission quotidienne a sans aucun doute créé les premières brèches dans la forteresse Rajoelina. Le dessinateur de presse Pov a également contribué à la délégitimation, en produisant pratiquement chaque jour depuis des années des caricatures politiques se moquant des dirigeants de l’époque. Enfin, on ne peut passer sous silence le rôle des contenus réguliers des influenceurs qui ont tiré leur courage de leur expatriation, tels que Fanirisoa Ernaivo, Koto Lilahimahitsiambo ou Fleury Rakotomalala.
Les pages Facebook satiriques. Il y a trois pages Facebook dont le rôle a été non négligeable dans la délégitimation de Rajoelina. La première est Sary Kasma (366.000 followers). La deuxième est Tout sauf Andry Rajoelina - TSAR (176.000 followers. Cette page a plusieurs fois changé de nom, le dernier en date étant Taranaka Sahy Rehetra), qui avait commencé à militer pour soutenir les habitants d’Ambohitrimanjaka dans leur lutte contre le projet Tanamasoandro. Cette page a été la première à produire des vidéos satiriques en mettant notamment en scène leur fameux Ikaky Banga. La troisième est Salantapy Vidéo Prod (98.000 followers), qui s’est fait une spécialité du montage de courtes vidéos en assemblant plusieurs séquences sans lien entre elles pour créer un narratif satirique. Ces vidéos ont popularisé des expressions telles que « sanabi, dia rehefa avy eo ? » (Didier Ratsiraka), « écoute ça le bois de mon dos » (Harifidy Ramanandraibe). Signe de l’envergure de cette page : leur vidéo « Ikotofetsy sy Imahakà » compilant les mensonges de Rajoelina a obtenu 1,8 million de vues, ce qui n’est pas négligeable dans un pays aux trois millions de Facebookers. Nous partageons à la fin de l’article leur 100ème vidéo intitulée « Rainilainga », diffusée en juillet dernier.
Les lanceurs d’alerte. Il faut souligner que pendant des années des citoyens ont, à titre individuel ou au nom de la société civile, agi pour éveiller les consciences. On citera en premier lieu Mahery Lanto Manandafy, qui a payé sa posture de sa liberté et de sa santé. On n’oubliera également pas le combat contre la corruption mené depuis des années par Ketakandriana Rafitoson et Transparency International Initiative Madagascar : rappelons qu’ils avaient osé porter plainte devant la Justice pour la corruption avérée dans l’eau filière du letchi, et que les intérêts dominants dans le secteur ont tenté de les intimider judiciairement. Hommage également à tous ces lanceurs d’alerte qui ont été arrêtés pour des prétextes fallacieux, comme Patrick Raharimanana, et mis en prison pendant plusieurs mois, comme Stanley Ramarivelo ou Jean-Luce Randriamihaotra.
Les Églises. Les prises de position de plus en plus critiques de certaines Églises du FFKM ont encouragé le réveil citoyen contre la chape de plomb que tentait d’imposer le régime. Par exemple, la fameuse prédication du Pasteur Zaka Andriamampianina sur la nécessité de dégager de la rizière le zébu qui la piétinait (janvier 2023), ou encore les communiqués des évêques catholiques, dont celui de novembre dernier qui a fait grand bruit par ses critiques non voilées. Les analyses du père Prospère Ratovomanarivo, directeur de la rédaction du journal Lakroan’i Madagasikara, ont également eu beaucoup d’impact sur les fidèles.
Les influenceurs. On connaît tous la suite. L’arrestation des conseillers municipaux à l’origine de l’appel à manifester le 25 septembre 2025 a déclenché la colère de la Gen Z, qui a appelé à descendre dans la rue, et a réussi à organiser des rassemblements massifs qui a obligé le pouvoir à répliquer par la force. Si le mouvement Gen Z s’est initialement développé sans véritable leadership, le rôle d’une dizaine d’influenceurs à Madagascar a été fondamental dans la mobilisation des jeunes. On citera en particulier Fitiavana Michael qui est passé dans l’histoire pour son héroïsme en tentant de sauver son compère Mba Lait des griffes des gendarmes,
-----
Vos commentaires
Merci à tous ceux courageux, qui ont contribué à la mise en retraite de ce réseau de mafieux arrogants et sanguinaires ! La lutte continue car tous ceux vieux politicards en lieu avec de mafieux de francafrique internationale et pas que ça attendent un bon moment pour se mettre à nouveau dans le réseau et remplacer ceux, qui ont été extirpés du pouvoir. Ils ne seront certainement pas meilleurs, que leur précédents en fuite ! Il faut les empêcher à tout prix ! Ceux, qui sont censés protéger notre nouveau président doivent être très vigilants et réagir avec la plus grande fermeté contre tous ceux vieux opportunistes et leur commanditaires d’ailleurs ! Notre Isandra nous démontre tout le temps, comment ils sont arrogants et avides du pouvoir perdu ! Merci Nfimby pour cette analyse très pertinente !
Répondre
Adieu donc veaux, vaches, cochons, autoroute, nouvelle ville etc. Madagascar restera dans son bourbier car les fleuves emportent tous les projets d’un Etat qui se voulait moderne mais qui restera dorénavant un Etat délabré.
Répondre
Du vent et à jamais aux nostalgiques de cédric .
Tu est nostalgique de cet arrogant Putschiste de 2009 presque 7eme d’âne Gerrard ? Mais toi aussi est un âne, seulement sans couilles ! Va manger des herbes dans la prairie !
Répondre
C’ est avec plaisir que l’ on voit la détermination de ce nouveau président prendre le taureau par les cornes et s’ attaquer aux priorités pour assainir une situation qui s’ était dégradée vitesse TGV sous les prérogatives (ou du moins manque de) du 6e dan des bals poussière.
On ne peut feindre s’ attaquer aux priorités hurlantes sans avant tout « nettoyer » je ne dis pas karcheriser tout ce qu’ a laisser pourrir ce régime orange .
Lors de sa visite à la Zirama, j’ espère (il n’ était pas / la photo) que r Weiss a pu être auditionné, voir apporter sa contribution pour aider à réellement assainir cette société dont Ravatomanga faisait partie (et pas que du conseil d’ administration) étant certain que sa fortune a été faite en partie (si ce n’ est grande ?) grâce à cette société ?
Madagascar a choisi les bons rails, ne reste plus qu’ à démarrer , certes avec un handicap certain : celui des dérives passées, qu’ il va falloir éponger, (dettes) et en espérant qu’ il n’ y ait pas encore quelques parvenus nuisibles, comme celui qui vient d’ être évincé comme il se doit , qui viennent prétendre faire mieux que leur prédécesseur ?
En ce sens une gouvernance sans partage est nécéssaire si ce n’ est impérative, quand je disais que rat zoelina avait instauré un régime militaire, leurs faisant tous les ronds de jambes nécessaires pour cela, à coups de nominations, promotions et cadeaux particulièrement en numéraires, il ne savait qu’ acheter et corrompre , il ne méritait pas le respect, il l’ achetait raison pour laquelle il ne l’ a jamais obtenu et l’ a perdu ( comme sa 6e dan : sans combattre !) .
Le moi ou le chaos laissé par cet autosuffisant a laissé à son successeur (à l’ image de la gôche C/° renimalala) dans une tel état que pour remonter la pente (avant le Pays) tout le monde va être obligé de contribuer à condition que la majorité le comprenne ce qui de toute évidence n’ est pas gagné, étant comme vous le savez : plus nombreux (comme les imbéciles ou isandra) ...
Répondre
On vous dira aussi un grand merci à Ndimby et ses compares du journal en ligne de nous avoir mis tout cela en boîte. On s’en rappellera qu’une chronologie de l’histoire est passée par la dextérité de votre écriture.
Répondre
La seule force à qui ce succès de ce coup d’Etat doit attribuer, c’est le CAPSAT,...
Il avait été déjà préparé plus longtemps, la première tentative en 2023, mais, à cause d’amateurisme ou de la complicité, il était sous-estimé et n’était pas pris au sérieux par le service de renseignement du régime Rajoelina,...
En fait, cette mobilisation de GEN Z, n’était qu’une bonne occasion pour faire avaler ce coup de force, les répressions n’étaient qu’une bonne excuse pour le justifier, sans ou avec lesquelles ce coup d’Etat a toujours déclenché,...
Il est naïf de croire que ce genre de coup de force se prépare en une semaine seulement.
Quant à constitutionnalité de cette prise de pouvoir, elle est clairement anticonstitutionnelle, et que le vote de l’assemblée n’a rien à voir avec cette décision de la HCC, laquelle avait été prise avant que le résultat officiel de l’assemblée n’arrive auprès de cette institution.
PS : Cette mobilisation commence à s’effriter, quand le CAPSAT a intervenu.
Répondre