Le français Rajoelina prend aujourd’hui la tête de la SADC

C’est donc aujourd’hui 17 août que le citoyen français Rajoelina prendra la tête de la Southern African Development Community (SADC), conformément au système de rotation en vigueur dans cette organisation régionale de 16 États membres. Qu’on le veuille ou non, l’accueil de ce Sommet est une victoire diplomatique pour l’intéressé, 16 ans après les événements de 2009. L’évènement souligne la perte de vitesse de Marc Ravalomanana, qui avait longtemps été soutenu par la SADC. Aujourd’hui, ce soutien a changé de camp.

On se souvient en effet des vociférations anti-SADC du clan des auteurs du coup d’État de 2009. On se souvient des déclarations officielles de la SADC pour tenter d’imposer un retour à l’ordre constitutionnel à Madagascar. On se souvient de l’humiliation subie par Rajoelina quand la SADC l’avait empêché de prendre la parole devant l’Assemblée générale des Nations unies en Septembre 2009. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et les deux parties sont tombées dans une amnésie mutuelle. Politika no atao, comme on dit souvent à Madagascar pour justifier l’injustifiable.

On se demande avec curiosité quel genre de leadership va être en mesure d’apporter à des pays comme Maurice, les Seychelles, le Botswana, la Namibie, l’Afrique du Sud ou le Lesotho celui qui est le chef d’un des États les plus pauvres, les plus corrompus et les moins démocratiques au sein de la SADC. En effet, les dirigeants de ces pays réputés être relativement plus ou moins bien gouvernés ne vont pas être impressionnés par un style de gouvernance basé sur la poudre aux yeux, les téléphériques, les jets d’eau et les tunnels peinturlurés.

On se souviendra de l’expérience non concluante de la candidature de Richard Randriamandrato à la tête de la Commission de l’Union africaine, en février dernier. Sur les 49 votants, le Malgache n’avait obtenu que 10 votes au premier tour, puis 7 au second, avant de s’effondrer avec cinq voix au troisième. Soit largement moins que les 16 États membres de la SADC. Conclusion : le leadership de Rajoelina est loin de faire l’unanimité au sein du groupe régional.

Toutefois, comme à l’accoutumée avec ce pouvoir qui utilise la moindre occasion pour se faire mousser, les autorités actuelles se gargarisent d’être les premières à accueillir un Sommet de la SADC. Soit. On rappellera cependant qu’en matière d’accueil de Sommets internationaux, le Président Rajaonarimampianina avait été le premier à le faire avec celui de la Francophonie en 2016. Et surtout, le Président Ravalomanana était en passe d’accueillir le Sommet de l’Union africaine et prendre la tête de cette organisation en 2009. Malheureusement pour lui, des voyous politiques se sont précipités pour faire un coup d’État afin de l’empêcher de bénéficier des retombées de cet évènement.

L’envie maladive d’exister sur la scène internationale

Féru de werawera, Rajoelina trouve dans l’accueil de ce Sommet de quoi satisfaire son narcissisme mégalomaniaque. Après avoir mis au pas son pays en mettant à sa botte ou à sa solde la Haute cour constitutionnelle, les forces de l’ordre, la Communauté internationale jusqu’aux hauts gradés de karaté, il aspire maintenant à jouer dans la cour des grands sur la scène internationale. Toutes proportions gardées bien sûr, car il est loin d’avoir l’envergure d’un chef d’État démocratiquement élu, d’un Paul Kagamé courtisé par le monde entier, ou même des cinq invités par les États-Unis à rencontrer le président américain le mois dernier.

Rajoelina avait déjà tenté de capitaliser la pandémie du Covid-19 en faisant le malin avec le prétendu breuvage miraculeux qu’était le Covid Organics (CVO), mais s’était très rapidement ridiculisé, et par la même occasion ridiculisé son pays. Le Sénégal avait effectué des tests ayant conclu que le Covid Organics ne pouvait soigner le Covid-19. L’Organisation mondiale de la santé a jusqu’à la fin refusé de cautionner ce produit, ce qui a provoqué des arguments abscons de la part de Rajoelina, du style c’est l’origine africaine du produit qui fait qu’il a été snobé. Défense peu pertinente quand on sait que d’autres produits pharmaceutiques malgaches ayant suivi les protocoles pharmaceutiques d’usage ont eu une belle carrière internationale, pour ne parler que du Madecassol ou du Madeglucyl.

Mais à Madagascar, peu importe. Rajoelina a habitué un quart de la population à prendre son cinéma habituel pour argent comptant. Quant aux trois autres quarts, il les fait taire par l’intimidation, la répression ou la corruption. Le peuple des distributeurs et récipiendaires de koveta se réjouit d’avoir reçu la SADC, surtout quand les ministres africains s’ébaubissent et chantent devant les caméras les louanges du téléphérique, dernier produit du werawera local.

Il est vrai que prendre une telle hauteur ne permet pas de constater les réalités du pays. Une fois redescendus à terre, il sera toujours temps pour les Malgaches de retrouver après la fin du Sommet de la SADC les délestages, l’insécurité, l’incompétence économique et les dérives autoritaires. On verra également si l’engouement du premier jour des gasy tia vao pour le téléphérique se maintiendra dans la durée pour en faire une activité rentable. Mais dans la mesure où la principale utilité des images de foules était la propagande, la mission du premier jour est accomplie. La rentabilité de ce projet fantasque n’est pas nécessairement un aspect prioritaire pour celui qui a la gloriole comme principal objectif.