Lors d’une interview diffusée durant le week-end dernier sur 24h Mada, une phrase maladroite de Lova Ranoromaro, Directrice des relations internationales et porte-parole de la Présidence de la République, a mis le feu aux poudres sur Facebook durant les trois derniers jours. Dans un effort pour expliquer un projet d’échanges entre universitaires malgaches et français, elle a prononcé des mots qui ont créé un tollé : « Ny profesora malagasy moa nanana ny maha izy tamin’izany fotoana izany, ary mampalahelo amin’ izao fotoana izao fa tsy misy intsony izany profesora tena hoe mahay, ary izay moa no tenenina hoe hanaovana izay échange-na formation izay ». Les mots sont clairs et ne prêtent aucunement à confusion, comme le soutiennent pourtant les défenseurs du régime qui tentent d’insinuer avec mauvaise foi qu’ils ont été manipulés hors-contexte.
De nombreux universitaires, dont des sommités, ont logiquement montré leur irritation de s’être ainsi sentis rabaissés. Les « influenceurs » et les créateurs de contenu digital s’en sont donné à cœur joie. La fameuse page malagasy TSAR – Taranaka SAhy Rehetra a publié une vidéo qui a obtenu 313.000 vues en 24 heures. Le Syndicat des enseignants chercheurs (SECES) a publié un communiqué exigeant des excuses publiques, qui ont été présentées par l’intéressée sur sa page Facebook. Suite à ces excuses, quelques personnalités ont publiquement pris sa défense, non pas pour excuser la maladresse, mais pour appeler à dédramatiser ce qui n’était au fond qu’une maladresse de langage. Parmi eux, l’artiste Rossy, le président du FIVMPAMA Rivo Rakotondrasanjy, et même l’éditorialiste d’Actutana qui est pourtant loin d’être un tendre envers le régime. Mais en dehors de ces cas rares, la majorité de l’opinion publique refuse d’être indulgente à son égard, non pas vraiment pour ce qu’elle a dit ou qui elle est personnellement, mais juste parce qu’elle appartient au premier cercle de Rajoelina.
Si l’incident a si facilement généré une crise dans l’opinion publique, c’est pour deux raisons que le pouvoir actuel ferait bien de méditer.
Premièrement, le buzz « Lova Ranoromaro » vient à la suite d’une accumulation de scandales et dérapages (affaires Ambohimalaza et B777), de déclarations arrogantes et peu inspirées comme celles du général Ravalomanana, le tout dans le souvenir encore vivace des affaires SMMC, écrans plats, Romy Voos, Herilaza Imbiky etc. Cette accumulation crée le sentiment d’impunité des fautifs, mais met également en lumière des questionnements sur la qualité des gens au pouvoir. Tout ceci créée un contexte dans laquelle la parole officielle n’a plus de crédibilité, quoiqu’elle dise. Le scepticisme dans l’affaire Ambohimalaza est un exemple récent, et tout ce qui sera dit par les autorités sera dès le départ reçu comme manipulation ou mensonge. Il faut dire que depuis 2009, le clan Rajoelina nous a démontré être expert dans cette matière.
Deuxièmement, les citoyens ont le sentiment que leurs droits civiques et libertés civiles sont de plus en plus bafoués : élections truquées, paroles entravées et opinion sous contrainte. Les dirigeants actuels usent et abusent des prérogatives d’usage de la force publique pour interdire manifestations pacifiques, rejeter requêtes électorales légitimes, arrêter et emprisonner sous des motifs fallacieux, balancer grenades lacrymogènes contre des manifestants pacifiques. C’est probablement par peur que des voyous politiques utilisent les ressorts qui ont marché en 2009 : la crainte du tody tsy misy fa ny atao no miverina ?
La tentation de l’extrémisme
Dans ces circonstances, l’intransigeance, mais également la calomnie, la diffamation ou les insultes deviennent les voies de recours que les citoyens empruntent pour exprimer leur frustration et leur colère. La moindre maladresse ou erreur, le moindre écart de langage et dérapage, la moindre opportunité de semer le doute et la suspicion est donc systématiquement mis à profit avec outrance pour surligner l’incompétence du pouvoir et son manque d’intégrité. Ce phénomène qui a récemment été vu avec le général Ravalomanana, les enfants Rajoelina ou le Dr Manuella Vololoniaina Nivoarisoa, rendue fameuse par son « poisement », s’est juste répété avec Lova Ranoromaro. À travers ces gens, c’est Andry Rajoelina que les opposants, qu’ils soient politiciens ou simples citoyens, veulent atteindre et fragiliser.
La violence politique verbale des citoyens anti-pouvoir est donc un résultat mécanique. En politique comme ailleurs, il y a une règle d’or : « Seul ce qui est respectable sera respecté ». Les autorités commencent à se rendre compte que la manipulation habituelle des dispositions du Code pénal pour réprimer les opinions contraires n’empêche ni les bad buzz, ni les sifflements et huées lors des rassemblements publics. Le Secrétaire général du ministère de la Culture et de la Communication, qui représentait récemment le Chef de l’État à la remise de décoration de l’artiste Tovo J’hay, l’a appris à ses dépens. Predator et les services de la cybercriminalité de Fiadanana ne peuvent rien contre ça.
Les expériences douloureuses les plus enrichissantes sont celles que l’on subit personnellement. Lova Ranoromaro a sans doute été victime d’une certaine injustice dans la montée en épingle de ce qui n’est en réalité qu’un écart de langage. Elle devrait donc user de son influence pour alerter son patron et leur clan qu’il leur faut d’urgence prendre des initiatives pour faire baisser la tension politique. Malheureusement, l’absence de culture générale de Rajoelina et sa mégalomanie narcissique le poussent à s’arc-bouter dans l’arrogance de celui qui croit dans la magie des militaires à sa botte et des fonds d’origine douteuse mais de portée illimitée. Avant lui, des gens plus instruits, plus intelligents, et pour certains, avec encore moins de scrupules, le pensaient également. Ils s’appelaient Ratsiraka, Ravalomanana, Rajaonarimampianina, et sous d’autres cieux, Hitler, Moubarak, Kadhafi ou Ben Ali. « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre » (Karl Marx).
-----
Vos commentaires
Il aurait fallu qu’elle donne des exemples dans certains domaines ou sur certains chercheurs reconnus sur le plan académique.
Elle est loin d’avoir totalement tort : aucun chercheur sur place n’a été capable de démontert que Rajoelina et son équipe racontaient n’importe quoi sur le covid. La pseudo-publication sur Base Tuléar ne vaut rien.
Aucun chercheur sur place, à ma connaissance, n’a fait une anlyse, même partielle, sur la situation économique. En tout cas dans les publications académiques Etc
Elle a appuyé là où ça fait mal
Les chercheurs en sciences humaines et sociales sont soit à la retraite (Le bouquin édité par Urfer montre que Esoavelomandroso, Rajanonah et Beaujard ont fait plaisir à un mourrant), soit ailleurs, pour pouvoir publier leurs travaux.
Répondre
Bonjour IKALA PAINGOTRA
Oui
« Celui qui ne connaît pas l’Histoire, est condamné à la revivre »
Ou :
l’histoire se répète....tant qu’il y aura des hommes.....
Pour notre malheur avec les MAUVAIS hommes
Merci pour vos interventions.
Le monde scientifique au service du pouvoir...
est un phénomène propre à toutes DICTATURES...
Tout phénomène de la vie est objet de PROPAGANDE.....
La culture de l’excellence et le réel dépassement de soi et de fonction n’est pas à la portée de ce régime. Forcément ça donne des déclarations à l’emporte pièce ( empoisonnement ) des inauguration inutiles ( priorité santé , éducation , à manger ) et pire des postures à la Kon ( deux que je connais bien ont un chapeau de cow boy manarampenitra ).
Répondre
Et le pauvre Rafolo Andrianainarivony s’est fait marginalisé comme un malpropre à propos de cette connerie de colisée.
Le site de l’université Tananarive reste la seule ressource pour savoir ce qui se passe.
La numérisation du fond des Archives Narionales piètine.
Répondre
Autre temps, autre mœurs, politiquement s’entend...
Ronald Reagan, un républicain connu pour être quelqu’un de faiblement instruit, mais qui avait réussi non seulement à faire monter en puissance le libéralisme économique tout en assurant le rayonnement mondial de l’Amérique, mais aussi la victoire idéologique et militaire de plusieurs décennies de guerre froide contre le communisme... sachant s’entourer et réunir autour de lui des conseillers intelligents et respectés, influents et convaincants...
Mais sous d’autres cieux et dans le contexte du moment, un faux leader et imposteur bien connu, et encore d’un niveau d’instruction à peine au dessus du primaire, se permet encore malgré tout de réunir autour de lui soit des responsables inexpérimentés toujours en train de tâtonner soit des individus totalement déconnectés du contexte socio-historique local, soit encore des personnages qui ne devraient assumer de hautes responsabilités politiques pour des raisons de risques inhérents à leur méconnaissance avérée du domaine stratégique à l’échelle d’une Nation...
Et comme résultante d’ensemble, il ne se passe de semaine sans qu’il y ait de bavures, des écarts de langage, de discours inconsidérés, de propos honteux, de gestes et actes déplacés...et de signes et comportement évidents d’immaturité presque identiques à de relents d’éducation mal appropriée ou difficilement comprise...
Bref, des lacunes évidentes d’humilité, une hyper inflation d’ambition, une absence de recul et d’auto-évaluation, une carence cruciale en matière de culture politique... toujours de « bala rora » et des « savony vava » , rien que des « petsambava »...
Répondre
Ce n’est pas un écart de langage à proprement parler mais un état d’esprit lamentable que certainement partagent toutes les hautes sphères décisionnelles de ce pays . Lorsqu’on est porte-parole de la présidence et de surcroit conseillère diplomatique de Rainilanga on s’expose à la vie publique et on a l’obligation de respecter certains principes républicains . C’était une posture désastreuse et inconvenante qui n’a pas sa place lorsqu’on exerce des fonctions hautement sensibles . Elle a par contre raison concernant deux professeurs agrégés en Médecine à savoir le ministre de la santé actuel et le directeurs du laboratoire LA2M qui ont brillé par leurs incompétences notoires en validant un empoisonnement « criminel » par deux plantes la Datura et la Belladone . Le comble c’est un Dadarabe qui a attesté ces poisons .
Répondre
Bonjour Ratovo
Pour ces deux professeurs
Nous sommes dans la situation classique de LA SCIENCE AU SERVICE DU POUVOIR ,
COMME DANS TOUTE DICTATURE
– PRIORITE A LA PROPAGANDE ET A LA DESINFORMATION !
Le dérapage de l’Amazone de Service a créé une avalanche de critiques qui a dépassé nos frontières . A tort ou à raison , cette réaction épidermique de l’ensemble de nos concitoyens est justifiée .
Là où le bât blesse , c’est le silence de nos élites , qu’ils soient dans l’Armée , ou bien parmi nos Intellectuels , qui nous interpelle .
La découverte du fameux Covid Organics , qui allait « sauver le Monde » et qui ATTIRERAIT le regard de la planète vers notre Pays , a été un Fiasco monumental .
Pire , le Président du Conseil d’Administration de l’IMRA , Un Professeur Emérite , a dû porter Caution au Calife , tout en avalant des couleuvres ...
Malheureusement , le pauvre a emporté dans sa tombe le secret de cette « aliénation » .
Nombreux ont été les dérives qui ont porté préjudice à la crédibilité de nos Elites .
Je ne cesse de répéter l’usurpation de fonction , lors de la transmission du pouvoir par les plus hauts gradés de l’époque .
Malheureusement , ce n’étaient pas les plus hauts gradés de l’Epoque qui ont rempli cette Mission , mais des « vendus » ... et nous pouvons le certifier , car selon Ratsiraka , le plus ancien au grade le plus élevé a été menacé , et a dû se cacher pendant des mois ...
Bref , si la déclaration de la Dame aux ...Mille Bus a choqué plus d’un , les plus intéressés devraient se poser des questions sur leurs vraies responsabilités ...
Pour terminer , je ne ferai que reprendre les « affirmations » de la Dame de Pique :
« Cette accumulation crée le sentiment d’impunité des fautifs , mais met également en lumière des questionnements sur la compétence des gens au pouvoir . Tout ceci crée un contexte dans laquelle , la parole Officielle n’a plus de crédibilité ».
Répondre