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lundi 11 août 2025
Antananarivo | 00h34
 

Editorial

Madagascar à la présidence de la SADC, enjeux et opportunités

lundi 11 août | Lalatiana Pitchboule |  283 visites 

**Si j’étais journaliste ….

En 2025-2026, Madagascar prend la présidence tournante de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), à un moment où sa situation politique, économique et géopolitique reste particulièrement fragile. Sur le plan interne, la légitimité du pouvoir est contestée, marquée par une abstention électorale record, une défiance généralisée envers les institutions, une polarisation croissante et une fragmentation des élites. Ce contexte fragilise la capacité du pays à incarner les principes de démocratie et de stabilité que pourtant la SADC revendique officiellement.

Sur le plan régional, cette présidence offre toutefois à Madagascar une tribune rare pour renforcer sa visibilité et tenter de redorer son image. On peut même rêver voir Madagascar jouer un rôle d’arbitre potentiel dans la gestion ou la prévention des crises sur la Région. Le pays peut s’inscrire ici dans une stratégie diplomatique amorcée depuis 2018 qui veut confirmer le « statut pivot » de Madagascar dans l’océan Indien : position géographique clé à proximité du canal du Mozambique, ressources naturelles stratégiques et capacité d’influence sur les routes maritimes. France, Russie, Inde, Chine, Japon, USA y mènent des stratégies concurrentes, qui peuvent chercher à transformer la Grande Île en tête de pont ou en verrou stratégique dans la compétition indo-pacifique.

Si le partenariat avec la France, illustré par la visite d’Emmanuel Macron, reste essentiel ( tout en prétendant amorcer un dialogue sur la souveraineté des îles Éparses ) le président malgache rêve de s’affirmer en acteur régional. Son engagement renforcé, malgré des tensions, dans la coopération avec l’Union européenne, avec la Francophonie, les pays asiatiques, la Turquie, la Russie, le Japon ou la Chine et autres Corée pourrait conforter l’ambition d’accroître son rôle sur la scène africaine et indianocéanique… Si cet engagement n’est pas que le fruit de seules logiques d’image.

L’exercice de cette présidence peut comporter en effet des contradictions : risque de décalage entre discours et réalité nationale, instrumentalisation interne à des fins de légitimation politique, vulnérabilité accrue aux ingérences extérieures, et menace sur la crédibilité de la SADC si celle-ci se montre incapable d’accompagner Madagascar dans ses défis de gouvernance.

Cette présidence est ainsi une opportunité diplomatique majeure. Mais c’est aussi une épreuve de cohérence politique. Elle testera la capacité de Madagascar et de ses dirigeants à transformer un rôle symbolique en levier concret pour la stabilité interne de l’Île et pour l’intégration régionale, dans un environnement où la rivalité des puissances et les fractures internes imposent un délicat équilibre entre affirmation souveraine et réalités de dépendance.… Epreuve délicate et cruciale en termes de crédibilité et d’image. pour L’Ile Rouge et pour le pouvoir en place

C’est dans ce contexte que je me suis mis au jeu d’une fiction : « Si j’étais journaliste …. Ou Entretien imaginaire ( [1]) avec le PRM , à la veille de la présidence malgache de la SADC »

Le rôle géopolitique de Madagascar : un balcon sur l’océan Indien

Journaliste : Monsieur le Président, permettez moi de commencer par ce que beaucoup d’analystes considèrent comme notre plus grand atout — et peut-être notre grande occasion manquée. Madagascar est la plus grande île de l’océan Indien et y occupe une position que les marines marchandes et militaires connaissent mieux que la plupart de nos concitoyens. Au large, le canal du Mozambique : 1 600 km de voie maritime qui concentre une part majeure du trafic énergétique mondial, reliant le Golfe et l’Asie aux ports d’Afrique australe et à l’Europe. Dans un monde où les tensions sur les routes maritimes se multiplient, être sur ce « balcon » donne un poids stratégique que peu de pays de taille comparable possèdent.

Pourtant, ce rôle reste souvent cantonné à des discours généraux. Seriez-vous prêt à faire de la présidence de la SADC une tribune pour positionner Madagascar comme un hub logistique régional et un acteur central de la sécurité maritime, à l’image de ce qu’a tenté Maurice dans la zone du sud-ouest de l’océan Indien avec son accord de surveillance maritime régionale ? Et comment comptez-vous mobiliser, dans ce cadre, des projets communs de valorisation durable des ressources halieutiques, secteur qui représente déjà plus de 5 % de notre PIB ?

Réponse : Madagascar a toujours été conscient de sa position dans l’océan Indien. Nous travaillons avec nos partenaires pour en faire un atout économique et sécuritaire, et la présidence de la SADC nous donne un cadre pour renforcer cette coopération.

Industrialisation et infrastructures : l’enjeu des corridors commerciaux

Journaliste : Lors de la Semaine de l’Industrialisation de la SADC, vous avez mis en avant le programme « One District, One Factory » ODOF, qui compte selon vos dire déjà 57 unités implantées sur le territoire. Ce modèle, inspiré de certaines expériences, ghanéennes en particulier avec 321 unités créées, vise à créer de la valeur ajoutée localement et à décentraliser l’emploi industriel. Mais nous savons que, sans chaînes logistiques performantes, sans corridors de transport fiables, ces usines peuvent rester des îlots isolés, comme ce fut le cas dans certaines zones économiques spéciales en Tanzanie ou au Mozambique.

Aujourd’hui, Madagascar souffre encore d’un réseau routier incomplet : selon les données de 2023, à peine 20 % des routes nationales sont en bon état, et le fret intérieur reste deux à trois fois plus cher que dans la moyenne SADC. Envisagez-vous d’utiliser votre présidence pour pousser un plan concerté de corridors commerciaux, intégrant ports, routes, rails et plateformes logistiques régionales, afin de relier ces districts industriels aux marchés d’Afrique australe et au-delà ? Par ailleurs, qu’en est -il des modalités de financement de ces projets d’industrialisation locale ? Si on a bien vu l’implication du SIM dans le projet, sommes-nous condamnés à des financements des bailleurs internationaux pour ce qui relève d’enjeux de développement local ?

Réponse : C’est effectivement un enjeu crucial. L’intégration régionale passe par de meilleures infrastructures, et des logiques de financements optimisés et nous voulons profiter de notre mandat pour faire avancer ces sujets.

Énergie : ambitions et réalités

Journaliste : Vous avez fixé un objectif de 70 % d’énergies renouvelables dans le mix national d’ici 2028. Entre 2019 et 2023, la part du renouvelable est passée de 16 % à 28 %, un progrès notable. Mais atteindre 70 % nécessitera des investissements massifs, l’équivalent de plusieurs centaines de millions de dollars, ainsi que des technologies adaptées aux contraintes locales.

Or, une grande partie des projets actuels repose sur des financements extérieurs : barrages hydroélectriques cofinancés par la Banque africaine de développement, projets solaires appuyés par la Chine, modernisation de réseaux électriques financée par l’AFD. Ces partenariats sont précieux, mais ils peuvent aussi entraîner une dépendance stratégique. Comment comptez-vous diversifier les partenaires, sécuriser les financements et protéger la souveraineté énergétique du pays face à des acteurs dont les agendas — Chine, France, Inde, Russie, USA ou autres coréens — peuvent diverger, voire entrer en conflit ?

Réponse : La diversification est essentielle. Nous multiplions les partenariats pour ne pas dépendre d’un seul acteur et nous veillons à sécuriser les financements sur le long terme.

Agriculture : productivité et équité territoriale

Journaliste : Vous avez annoncé vouloir multiplier par 3,6 la productivité rizicole, passant de 2,5 à 9 tonnes par hectare grâce à la mécanisation, aux intrants de qualité et à l’accompagnement technique des producteurs. C’est un objectif mobilisateur. Mais l’expérience de nos voisins montre que, sans plan foncier solide, sans accès garanti aux marchés, et sans politiques de stockage et de transformation, les gains de productivité peuvent rapidement s’essouffler.

Au Malawi, par exemple, l’augmentation de la production de maïs en 2015 n’a pas entraîné de hausse durable des revenus paysans faute de débouchés organisés. Comment comptez-vous éviter ce piège et vous assurer que les régions rurales enclavées ne soient pas marginalisées ? Envisagez-vous de plaider, dans le cadre SADC, pour un fonds régional d’intégration des filières agricoles, afin de connecter nos producteurs aux chaînes de valeur régionales et internationales ?

Réponse : Nous voulons que toutes les régions bénéficient des réformes agricoles, et des programmes spécifiques sont prévus pour les zones les plus éloignées.

Gouvernance régionale : lenteurs et réformes possibles

Journaliste : La SADC a un mandat ambitieux, mais souffre de lenteurs chroniques. Les divergences d’agendas nationaux, les conflits d’intérêts sur les grands axes logistiques, la faiblesse des institutions régionales freinent l’intégration. Des projets comme la ligne ferroviaire Trans-Kalahari ou la modernisation des ports de Beira et Dar es Salaam montrent qu’il faut parfois plus de dix ans entre la décision et la mise en service.

Comment comptez-vous utiliser votre mandat pour renforcer les mécanismes de suivi et de régulation des projets communs ? Seriez-vous prêt à proposer une réforme des procédures internes, voire un mécanisme contraignant, pour que les décisions prises en sommet se traduisent en réalisations tangibles sur le terrain, y compris à Majunga, Tuléar ou Fort-Dauphin ?

Réponse : Nous allons travailler à renforcer la confiance et l’alignement des priorités entre États membres, tout en respectant la souveraineté de chacun.

Environnement : le parent discret

Journaliste : Dans vos annonces, la dimension environnementale reste discrète. Pourtant, Madagascar est l’un des spots mondiaux en termes de biodiversité. Les projets industriels et logistiques, s’ils ne sont pas accompagnés de mesures strictes, peuvent avoir des impacts irréversibles : déforestation, érosion des sols, pression sur les ressources en eau.

Envisagez-vous d’utiliser votre présidence pour mettre en place un mécanisme régional de suivi environnemental et pour inscrire, dans chaque projet SADC soutenu par Madagascar, des normes contraignantes en matière de durabilité, à l’image du « Green Growth Strategy » adopté par l’Éthiopie dans ses plans industriels ?

Réponse : Nous avons conscience de l’importance de préserver notre environnement, et nous travaillerons à inclure ces critères dans nos projets.

Dépendance extérieure et montée en compétence locale

Journaliste : Beaucoup de projets structurants reposent sur des capitaux et des technologies extérieures. Cette dépendance réduit l’autonomie de décision et expose aux fluctuations internationales. Sans montée en compétence locale, nous risquons de rester un site d’extraction ou d’assemblage, dépendant des marchés extérieurs. Quelles mesures concrètes prenez-vous pour renforcer la formation, favoriser le transfert technologique et bâtir un tissu industriel capable de concevoir et d’innover à partir de nos ressources ?

Réponse : La montée en compétences est au cœur de notre stratégie. Nous voulons créer des centres de formation et encourager le transfert technologique.

Vision historique et héritage

Journaliste : Dans dix ans, que voudriez-vous que l’histoire retienne de votre présidence de la SADC ? Une série de discours et de photos officielles, ou la preuve qu’un État insulaire, conscient de son poids géopolitique, peut transformer un mandat régional en levier concret de prospérité nationale et collective ? Et comment comptez-vous éviter que cette présidence ne soit, comme souvent, qu’une parenthèse protocolaire vite refermée ?

Réponse : Je souhaite que l’on se souvienne de cette présidence comme d’un moment où Madagascar a contribué concrètement au développement régional.

Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule). 10/08/2025
Les chroniques de Ragidro

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Notes

[1IMAGINAIRE ! Faut quand même pas rêver

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