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lundi 15 septembre 2025
Antananarivo | 10h40
 

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Madagascar : démocratie du bout des lèvres

lundi 15 septembre | Andrianirina |  308 visites  | 6 commentaires 

La Journée internationale de la démocratie. commémorée en ce 15 septembre sous l’égide des Nations unies nous donne l’opportunité d’une réflexion objective sur la situation de la démocratie à Madagascar.

Une demi-douzaine de sources internationales mesurent la démocratie en utilisant différentes approches conceptuelles et méthodes. Nous citerons entre autres les indicateurs suivants : Freedom in the World (Freedom House), Democracy Index (EIU — Economist Intelligence Unit), Global State of Democracy Indices - GSoD (IDEA), V-Dem (Varieties of Democracy), et Bertelsmann Transformation Index (BTI).

Le rapport 2024 de Freedom House indique que la démocratie à l’échelle planétaire est en recul constant depuis 19 années consécutives. Parmi les raisons évoquées figurent la violence, la montée de l’autoritarisme et les manipulations électorales « pour empêcher les véritables candidats de l’opposition d’y participer », ainsi que les conséquences des conflits qui « ont répandu l’instabilité et entravé les progrès démocratiques dans le monde entier ».

Madagascar n’est pas une démocratie, mais n’est pas une dictature non plus

De 1960 à ce jour, aucun classement mondial faisant autorité n’a jamais considéré Madagascar comme une démocratie pleine. Le pays est une « autocratie modérée » selon le BTI 2024, un pays « partiellement libre » selon Freedom House 2025, ou encore un « régime hybride » selon l’EIU 2024. Toutes ces appellations reflètent une situation intermédiaire, pas assez bonne pour être qualifiée de démocratique, mais pas assez mauvaise pour être classée comme une autocratie, ou pire, comme une dictature. C’est ce que certains qualifient de « démocratie de façade ».

Les Global State of Democracy Indices (GSoD Indices) sont produits annuellement par International IDEA, et donnent le rang mondial de chaque pays dans quatre catégories de performance démocratique : la représentation, les droits, l’état de Droit et la participation. Dans chacun de ces quatre domaines, Madagascar se trouve à chaque fois dans la moitié inférieure du classement, et a même baissé par rapport au classement de l’année précédente dans trois d’entre eux.

Indices GSoD – Madagascar
Catégorie Rang de Madagascar
Représentation 108ème / 174
Droits 126ème / 174
État de Droit 129ème / 174
Participation 118ème / 174

Le pays ayant pris la tête de la SADC en août dernier, il nous apparaissait intéressant de regarder quel était le paysage démocratique au sein de cette organisation régionale. En nous basant sur la classification en trois catégories (pays libres, pays partiellement libres et pays non libres) établie par Freedom House, on constate que seuls six pays de la SADC sont considérés comme libres, ce qui attribue à la SADC le coefficient démocratique de 0.375 (soit six pays sur 16). Comme mentionné ci-dessus, Madagascar fait partie de ceux « partiellement libres », et a donc beaucoup à apprendre de ses voisins que sont le Botswana, le Lesotho, l’île Maurice, la Namibie, les Seychelles et l’Afrique du Sud. Tous des pays anglophones, soit-dit en passant.

Classement des pays de la SADC par niveau de liberté (source : Freedom House)
Libres Partiellement libres Non libres
Botswana Comores Angola
Lesotho Madagascar Congo (RD)
Maurice Malawi Eswatini
Namibie Mozambique Tanzanie
Seychelles Zambie Zimbabwe
Afrique du Sud

Du point de vue des citoyens, le round 10 des enquêtes d’Afrobaromètre confirme les précédents.
En effet, 52% des Malgaches préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement, et relient la démocratie à des élections régulières, libres et transparentes comme méthode de choix des dirigeants, au multipartisme, à la responsabilité du gouvernement devant les citoyens, et à la liberté des médias de publier sans le contrôle du gouvernement. Toutefois, 70% des Malgaches se disent insatisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays.

De 1960 à 2024 : la meilleure performance démocratique avec Albert Zafy, la pire avec Andry Rajoelina

Un graphique produit à partir des données fournies par le projet V-Dem (Université de Gottenburg) montre l’évolution de l’indice de démocratie libérale pour Madagascar de 1960 à 2024. Cet indicateur se fonde sur la mesure « des libertés civiles protégées par la Constitution, un État de droit fort, un système judiciaire indépendant et des freins et contrepoids efficaces qui, ensemble, limitent l’exercice du pouvoir exécutif ». L’index est situé sur un intervalle de 0 à 1, cette dernière étant la meilleure note. Si on considère la période post-Guerre Froide, la pire situation en matière de démocratie à Madagascar a été l’année 2010 (note de 0,08 à égalité avec celles de 1973 à 1975), après le coup d’État subi l’année précédente, et la meilleure a été l’année 1994 (note de 0.37) après l’accession d’Albert Zafy au pouvoir.

On observe visuellement plusieurs périodes remarquables en comparaison avec la situation en Afrique.

  • Une première décennie d’indépendance républicaine (1960-1972) où le bas niveau de démocratie à Madagascar reflète celui en Afrique
  • La longue période qui a suivi la crise de 1972, et qui a vu Madagascar reculer par rapport à l’Afrique en matière de démocratie (1972 - 1991), avant le progrès de la transition 1991-1993 grâce à Guy Willy Razanamasy comme Premier ministre.
  • L’avancée permise par la vague de démocratisation post-Guerre Froide (1993-1996), suivie par un recul après l’empêchement du Professeur Zafy,
  • Le coup d’État de 2002 qui a fait repasser Madagascar sous la moyenne africaine.
  • Le coup d’État de 2009 qui a clairement marqué la pire détérioration de la situation démocratique à Madagascar.
  • Une légère remontée sous le mandat de Hery Rajaonarimampianina (2014-2018), suivie d’une rechute après le retour au pouvoir de Rajoelina en 2019

Cette première approche visuelle permet déjà une première perception des tempéraments démocratiques chez les dirigeants au pouvoir durant ces différentes périodes. L’approche statistique permet de confirmer ces observations. La moyenne de Madagascar est de 0.173 sur toute la période (1960-2024).

En calculant la moyenne de l’index de démocratie libérale selon V-Dem pour chaque mandat, le Professeur Zafy est celui qui présente la moyenne la plus élevée (0.317), reflétant son image de chef d’État ayant fait de réels efforts en matière de démocratie. Il est étonnamment suivi par Marc Ravalomanana (0.265), qui bénéficie de relatives bonnes notes pour ses performances démocratiques durant son premier mandat, avant ses dérives autocratiques du second. Le bas du tableau est occupé par la transition 2009-2013 de Andry Rajoelina, la Deuxième république de Didier Ratsiraka et la transition 1972-1975 de Gabriel Ramanantsoa.

Liberal democracy index : Moyennes par chef d’État
Président (mandat) Moyenne
Albert Zafy (1993-1996) 0.317
Marc Ravalomanana (2002-2009) 0.265
Didier Ratsiraka (1997-2002) 0.262
Hery Rajaonarimampianina (2014-2018) 0.250
Andry Rajoelina (2019-2024) 0.248
Philibert Tsiranana (1960-1972) 0.123
Andry Rajoelina (2009-2013) 0.103
Didier Ratsiraka (1975-1993) 0.099
Gabriel Ramanantsoa (1972-1975) 0.083

Conclusion : il n’y a pas de démocratie sans démocrates

La vision des réalités démocratiques va différer selon l’expérience vécue, le niveau d’éducation, le sens critique et les positionnements idéologiques de chaque citoyen. Ainsi, le jugement de ce qu’ont été les prises de pouvoir de 2002 et 2009, l’appréciation de la fiabilité des processus électoraux, la perception de la situation de l’état de Droit ou l’évaluation de la qualité de nos élus vont systématiquement prêter à débat. Il y a toutefois un fait indéniable : la démocratie ne se décrète pas par les mots, mais par les actes. Au vu des chiffres ci-dessus, la République démocratique de Madagascar n’avait pas grand-chose de démocratique [1] , et l’inaugurateur de la Place de la démocratie est loin d’être un champion de la démocratie.

Une conclusion donnée par l’éditorialiste Patrick A. en 2009 reste d’actualité aujourd’hui : il faut des démocrates pour bâtir une démocratie. Malheureusement, aussi bien dans la classe politique au pouvoir que dans l’opposition, il n’y a pas de personnalité ayant la crédibilité pour joindre les actes à la parole dans la lutte pour la démocratie. À l’exception d’Albert Zafy, le schéma est pratiquement le même depuis des décennies : les opposants sont démocrates jusqu’à ce qu’ils parviennent au pouvoir, et deviennent à leur tour des autocrates pratiquant eux-mêmes les dérives qu’ils critiquaient autrefois.

Malgré la personnalité d’Albert Zafy qui sort du lot, la situation de Madagascar n’a jamais été satisfaisante en matière de démocratie. Depuis des décennies, de nombreux travaux académiques et matériels médiatiques tentent d’expliquer les raisons de cette contre-performance démocratique de Madagascar : pauvreté et niveau d’éducation, culture, faiblesse des institutions, manque de légitimité des politiciens, corruption sont parmi les éléments les plus cités. Cette explication n’étant pas l’objet du présent article, nous nous sommes cantonnés à une approche descriptive sur la base d’indicateurs objectifs, dans le but de contourner les positions partisanes et les discours de propagande où chacun se prétend démocrate, qu’il soit au pouvoir ou opposant, à tort ou à raison. Et le plus souvent, à tort.

Image générée par IA

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Notes

[1La République populaire et démocratique de Corée non plus

6 commentaires

Vos commentaires

  • 15 septembre à 10:32 | rakotobe (#7825)

    Démocratie. pour Madagascar, est un bien grand mot du bout des lèvres de Rainilaingarivony Cedric Rajoelina .

    Le jour où RADOMELINA accepte comme seul SOUVERAIN= Les LOIS qui en sont les seules garantes, les poules auront des dents.

    Répondre

  • 15 septembre à 10:41 | RATOVO (#10503)

    Il est notoirement admis que le régime de Rainilainaga glisse bien vers la dictature . Toutes ces études n’ont pas la perception réelle et objective de la situation sur le terrain . D’ailleurs Radomelina n’a que la seule option de la dictature pour s’accrocher au pouvoir . Il ne faut pas jouer le jeu de ce régime pourri en diabolisant et en stigmatisant systématiquement l’opposition . La démocratie s’apprend avec le rôle crucial d’un contre-pouvoir politique et de la société civile . La seule issue pour ce pays de sortir du joug de la répression , de la voyoucratie et des pratiques mafieuses c’est de suivre la voie du Népal avec un dégagisme « manara-penitra » !

    Répondre

  • 15 septembre à 10:55 | Stomato (#3476)

    >> Madagascar n’est pas une démocratie, mais n’est pas une dictature non plus <<

    Cette phrase n’est pas du tout agréable à lire !

    Madagougou est donc une troisième chose, indéfinie, improbable, une personne ectoplasmique en somme ?

    Qu’est-ce qu’une personne ectoplasmique ?
    Personne faible, molle, silencieuse qu’on ne remarque pas.

    Répondre

  • 15 septembre à 11:13 | Gérard (#5118)

    On peut faire dire ce qu’on veut avec des chiffres et des termes politiques que personne ne comprend.
    Tant qu’un pays est mené de façon juste et sans conflits on peut déjà s’estimer heureux car qui voudrait vivre en Ukraine, en Palestine, Gaza ou même en Israël entre autres, de peur d’avoir une bombinette sur son toit et de mourir sous les décombres ?
    Je ne parle même pas de la France qui n’a même plus de gouvernants capables de gérer le pays et où la notation Fitch vient d’abaisser la note souveraine en précipitant ce pays dit « riche » vers une faillite inéluctable.

    Répondre

    • 15 septembre à 12:15 | rakotobe (#7825) répond à Gérard

      Ataovy amin’ny tenin-drazana ry dadatoa a !
      Hita fa tsy voafehinareo ny teny vazaha.
      Sa I rangaha Koa anisan’ireo « misitraka » ny 8cm an-kiafina ? Hoatra ny akamanareo RADOMELINA ?

  • 15 septembre à 11:27 | Vohitra (#7654)

    Dans un pays où :

    * La liste électorale n’est pas un bien commun accessible à tout moment à la connaissance du public mais reste un outil à la disposition du régime politique au pouvoir.

    * La liberté de réunion sur la place publique des citoyens est conditionnée unilatéralement par l’appréciation du régime politique au pouvoir, et reste interdite à toutes les organisations qui ne partagent pas l’opinion des dirigeants

    * Le public et les électeurs n’ont pas le droit d’être informés sur les déclarations de patrimoine des élus et des hautes autorités de la République

    Trois faits marquants pouvant indiquer que Madagascar n’est pas un pays démocratique, encore moins un pays où l’état de droit est réel et vécu par ses habitants.

    Répondre

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